Au détour d’un sous-bois, dans une teinte du soleil, sous la neige fondante, dans le parfum de l’air… c’est à peine perceptible, et pourtant c’est là, on le sent, on le sait… le printemps est là, balbutiant, mais bel et bien là. C’est le grand retour du tant attendu Vert, les bras chargés de températures clémentes, de fleurissements colorés, de joies festives…
Le premier temps
Le mot Printemps’ nous vient du latin primus tempus (premier temps : première saison). En ancien français et encore aujourd’hui dans les pays latins, on parle de Primavera, mot conservé en français pour le nom donné à la première fleur emblématique du printemps: la primevère.
C’est l’équinoxe de printemps (20 mars) qui ouvre la saison, et c’est le solstice d’été (21 juin) qui la clôture. Dans de nombreuses civilisations de l’histoire, le printemps marquait la première saison de l’année, le jour de l’an étant le premier jour du printemps. Ces dates ont évolué : chez les Romains, l'équinoxe désignait non pas l’entrée dans le printemps, mais son milieu, portant son début au 8 février. En fait il y a une différence entre le printemps astronomique et le printemps météorologique qui veut que le printemps soit une demi-saison entre celle froide et celle chaude, correspondant à mars, avril et mai. Selon les pays ou selon que l’on se situe dans l’hémisphère nord ou sud, la date du printemps diffère : en Australie c’est le 1er septembre, en Russie, le 1er mars…
La renaissance de la nature
Le printemps est marqué par un renouveau de la nature et se caractérise par un radoucissement des températures, la fonte des neiges, un soleil plus fréquent, le bourgeonnement des plantes, l’éclosion des fleurs, le réveil des animaux hibernants, le retour des oiseaux migrateurs… L’homme retrouve le moral et les enfants les jeux de plein air.
L’alternance d’ensoleillements et de pluies est propice au réveil de la végétation. La terre stérile redevient féconde : les arbres dépouillés reprennent vie, la sève remonte, les bourgeons s’ouvrent et de nouvelles feuilles apparaissent, se déploient ; d’un vert tendre à la naissance, elles endosseront progressivement leur teinte définitive. Les arbres fruitiers se parent de fleurs blanches ou roses, avant que le vent les emporte pour laisser place aux feuilles puis aux fruits.
Les prairies se recouvrent de verdure et de fleurs, pour le plus grand plaisir des bestiaux qui peuvent enfin délaisser étable et foin hivernal pour s’en aller paître l’herbe fraîche.
Sublimés de rosée matinale, primevères, narcisses, pâquerettes, puis jonquilles et muguets feront leur apparition, sous le chant émoustillant des oiseaux et le passage mythique des hirondelles.
La saison des amours
Le printemps est par définition la saison des amours, pour les oiseaux, les animaux… et tous les êtres vivants. Les conditions climatiques favorables en font un moment privilégié pour la reproduction des animaux. La période est particulièrement euphorique, c’est pour cela que c’est aussi la saison de la jeunesse. Ses températures douces (ni trop chaudes, ni trop froides) invitent au bien-être, le soleil jouant son rôle de puissant antidépresseur. Les jambes des femmes se dénudent, nombreuses s’activent à retrouver la ligne après les excès emmitouflés de l’hiver ; « toutes les femmes sont belles au printemps » se plaisent à dire les séducteurs.
C’est l’ensoleillement qui cause une telle exaltation. C’est une période de victoire du jour sur la nuit, particulièrement à l’équinoxe, qui marque une égalité parfaite de durée de jour et de nuit. Puis les journées s’allongeront de plus en plus, jusqu’à l’apogée du solstice d’été, jour le plus long de l’année.
Cet ensoleillement maximal augure l’heure d’ouvrir grandes ses fenêtres, de s’aérer…
Le grand nettoyage de printemps
Parmi les nombreux usages printaniers, figure l’incontournable nettoyage de printemps, qui, s’il tombe sous le sens pour des considérations pratiques, n’en demeure pas moins dans certaines cultures une véritable tradition à portée symbolique, un rituel purificateur. C’est un geste sain pour la maison, ses habitants, leurs poumons, leur moral… Comme tout renouveau, il s’agit de faire table rase de l’hiver passé et de donner un souffle nouveau à nos intérieurs, nos jardins, nos vies… L’extérieur nous attend, d’autant plus que le grand bal du jardinage est ouvert.
Tous aux potagers
À côté des premières transhumances et de l’ouverture de la pêche, Le printemps c’est aussi et surtout le temps où les racines prennent ou reprennent, il est donc l’heure de désherber, labourer, semer, planter… ou tout simplement observer : l’apparition des primevères sur les chemins, la floraison des jonquilles dans les sous-bois, l’éclosion des tulipes dans les massifs. Les jardiniers, qu’ils soient en herbe ou aguerris, se raviront d’une activité décontractante, enrichissante et productive. Qu’il s’agisse de faire pousser des fleurs ou des légumes, la satisfaction est toujours au rendez-vous.
Une histoire d’hirondelle
Si une « hirondelle ne fait pas le printemps », un proverbe afghan énonce : « Ils peuvent tuer toutes les hirondelles, ils n’empêcheront pas la venue du printemps ». La saison est fragile car fraîche et naissante, mais ses premiers signes, même rares, nous apportent la certitude des beaux jours à venir et facilitent notre patience. Un jour d’octobre peut ressembler à un de mars, mais il n’y a que ce dernier pour raviver nos cœurs. Car les symboles printaniers sont forts : renaissance, douceur, croissance, sérénité, fertilité, amour… espoir aussi…Timidement, mais sûrement, la fécondité revient.
Ce renouveau de la nature végétale et animale symbolisant la victoire de la vie fait du printemps un évènement sacralisé dans nombre de religions et traditions. Pâques, carnavals…, nombreuses sont les fêtes célébrant le passage de la mort à la vie. De nombreuses divinités ont incarné le printemps, telles Flore, ou Maïa (à qui l’on doit le mois de mai), déesses romaines de la fertilité et du printemps. Au Japon, une coutume traditionnelle, le Hanani (signifiant littéralement : regarder les fleurs) consiste à apprécier la beauté des fleurs de cerisiers en s’installant dessous autour de grands pique-niques.
Les vertus inspiratrices du printemps
Règne des fleurs, moment magique où la nature revit et se métamorphose, aucune saison n’est plus propice à l’inspiration, aux projets, à l’action. C’est pourquoi tant dans le domaine artistique que politique, ou encore professionnel, la saison met les esprits et les activités en ébullition.
On parle également de printemps dans les arts : en musique, avec le fameux festival du Printemps de Bourges, en poésie, avec le Printemps des Poètes, se déroulant en mars en France et au Québec; le spectacle aussi a ses printemps : du cinéma, du rire, des comédiens… Les métiers et artisanats aussi possèdent de plus en plus leur printemps. Il existe même un Printemps Bio les deux premières quinzaines de juin.
Du nouveau dans les papilles
Le printemps se déroule également dans nos cuisines. L’éveil végétal annonce le retour des produits frais de saison dont nous sommes si gourmands : fraise, melon, tomate, mais aussi salade, aubergine, haricot… Mille propositions s’offrent sur les étals des marchés et dans les potagers, et mille recettes ressurgissent ou s’inventent. L’agneau, le pigeon s’accompagneront d’asperges, de salade de pissenlits, les desserts frais réapparaissent : salades de fruits, tiramisus, tropéziennes, mais aussi l’irremplaçable tarte à la rhubarbe de nos grands-mères. Des pétales de capucine seront mélangés aux laitues, pour leur arôme piquant autant que pour leur valeur décorative, leurs boutons seront confits dans le vinaigre, tels des câpres. L’imagination gastronomique est stimulée par la multitude de saveurs colorées qu’offrent les produits printaniers.
Cette saison, souvent préférée - au point que l’on compte notre âge en nombre en printemps, comme si c’était la seule saison qui comptait - est placée sous le signe de l’espoir et du désir d’en profiter, car bientôt l’été, cet apogée épanouissant, arrivera, mais aussi ensuite la saison froide. Tout printemps se mérite, et en cela doit donc passer par les autres saisons pour pouvoir être apprécié à sa hauteur. Charles Joseph de Ligne disait à ce sujet : « J’avance dans l’hiver à force de printemps ».
Mais pour l’heure, il est temps de préparer les réjouissances d’un été où il n’est question que de se délecter du labeur d’une année. Le printemps n’étant finalement qu’une promesse radieuse : celle de l’arrivée de l’été.