« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Qui ne connaît pas cette formule historique ?
Il s’agit du premier article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, texte emblématique de la Révolution française, fondateur de la démocratie en France et dans le monde. Destiné à abolir l’ancien régime et instaurer une société régénérée, il énonça les droits naturels de l’homme et les modalités de leur application en tant que citoyen.
Si les principes proclamés nous paraissent évidents, acquis, naturels aujourd’hui, c’était loin d’être le cas à l’époque. Loin de se cantonner au rôle de phrases philosophiques, la DDHC enracinera la Révolution.
Sous la monarchie absolue, noblesse et clergé jouissaient de privilèges alors que le Tiers-Etat supportait les impôts. Un paysannat entravé par l’archaïsme, un artisanat paralysé par le corporatisme et un commerce étouffé par les disparités territoriales provoquèrent nombre de crises exigeant de réelles réformes. Mais l’aristocratie faisait la sourde oreille, menant à la quasi-banqueroute de la France et dès lors à l’éclatement de la Révolution.
Les philosophies des Lumières insufflaient des idées de liberté, de rationalisme ; les notions de liberté de pensée, d’expression apparurent. Des mouvements s’organisèrent, Louis XVI dut convoquer les États Généraux, qui obtiendront non sans lutte l’octroi d’une voix significative au Tiers-Etat, qui, avec le bas clergé et quelques nobles « éclairés », s’autoproclameront Assemblée nationale. C’est l’époque du serment du jeu de paume, du « Nous ne quitterons nos places que par la force des baïonnettes », de la prise de la Bastille, de la nuit du 4 août 1789. Ces bouleversements de la société engendrèrent anarchie et soulèvements. Il était temps pour l’assemblée de fixer par écrit les fondements d’un nouvel ordre, aidé par la presse, rendue libre, qui avait descendu la politique dans la rue, créant un « Éveil de la Démocratie » chez le peuple, source de grands courants de pensée qui guideront la rédaction de la DDHC, influencée également par les révolutions et déclarations américaines et anglaises. Elle sera adoptée dans sa forme finale le 26 août 1789.
Ses objectifs ?
- servir de base à la rédaction de la nouvelle constitution,
- anéantir la monarchie absolue au profit de la nation, transférer le pouvoir au peuple,
- fixer par écrit des droits inaliénables et garantir leur application,
- abolir privilèges et distinctions, supprimer l’arbitraire,
- donner une valeur universelle aux principes édictés.
Les droits instaurés et le « contrat social » établi entre le peuple et ses représentants avaient une telle ambition et une telle portée que la DDHC deviendra le nouveau dogme social en France puis dans le monde. Son rayonnement et sa postérité l’ancreront dans l’histoire comme la première fois qu’un peuple européen s’affranchissait de son monarque.
Un préambule et 17 articles composent la DDHC :
Le préambule légitime le texte, déclarant l’assemblée représentante du peuple et donc seule souveraine.
L’art. 1 établit les principes d’égalité et de liberté, pères de tous les autres.
L’art. 2 garantit liberté, propriété, sûreté et résistance à l’oppression.
L’art. 3 affirme la souveraineté de la Nation, c’est l’avènement de la démocratie.
L’art. 4 définit la liberté et en pose les limites.
L’art. 5 édicte que seule la loi peut limiter la liberté. Légalité des peines et présomption d’innocence en découlent.
L’art. 6 définit la loi comme « l’expression de la volonté générale », fondant la représentativité. Apparaît la notion de citoyen (celui pouvant élire ou être élu). « La loi doit être la même pour tous » augure l’unification territoriale du droit.
L’art. 7 instaure la légalité des incriminations.
L’art. 8 annonce la légalité et la proportionnalité des peines, ainsi que la non-rétroactivité de la loi pénale.
L’art. 9 aborde la présomption d’innocence et encadre la détention préventive.
L’art. 10 précise les libertés : d’opinion, religieuse.
L’art. 11 énonce la liberté d’expression.
L’art. 12 légitime la force publique en la soumettant à la nation et non plus au roi.
L’art. 13 aborde l’égalité devant l’impôt, abolissant ainsi les privilèges.
L’art. 14 introduit le consentement à l’impôt, sa proportionnalité et le concept de budget.
L’art. 15 assure aux citoyens le pouvoir de demander des comptes à leurs représentants.
L’art. 16 édicte la garantie des droits et la séparation des pouvoirs.
L’art. 17 octroie aux fermiers la propriété totale, inviolable et sacrée de leur terre.
La DDHC sera le fer de lance de la révolution, symbole d’une nouvelle ère politique, sonnant le glas de l’arbitraire et l’oppression.
Les révolutionnaires entreprirent de propager le dogme aux autres pays, au prix de guerres souvent perdues. Les principes révolutionnaires finiront par se répandre dans toute l’Europe, qui vivra une période trouble, mais enfantant la démocratie telle que nous la connaissons aujourd’hui.
La DDHC sera critiquée : trop abstraite, trop vague, trop philosophique, trop liée à son époque aussi : trop tournée vers le passé qu’elle abolit ; femmes et esclaves furent omis ; rédigée par et pour une catégorie de la société, elle remplaçait la primauté de l’une par celle d’une autre. L’égalité n’existait que sur le papier : seuls ceux en capacité de se prémunir de leurs droits le firent (pas le prolétariat).
La portée universelle de la DDHC l’emportera sur la critique. Au 19° s. elle inspirera de nombreux textes en l’Europe de l’Est et Amérique latine, puis imprègnera la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), et la Convention européenne des droits de l’homme (1950). Elle figure au préambule de notre constitution de 1958. Les valeurs qu’elle défend sont encore d’actualité dans les débats politiques.
Depuis 2003 la DDHC est classée par l’UNESCO sur la liste « Mémoire du Monde ».