Le système de retraite en France puise son particularisme dans son histoire qui se caractérise par une grande diversité des régimes. Depuis sa création, il a subi l’évolution de la société, de l’économie et de la démographie, ce qui a suscité de nombreuses réformes.
Une histoire dense
Longtemps, la subsistance des anciens a reposé sur la solidarité familiale, la charité religieuse et de menus travaux artisanaux, l’ensemble de la population n’étant pas couverte, hormis quelques corporations et sociétés de secours mutuels moyenâgeuses.
Des embryons de systèmes de retraite sont progressivement mis en place par l’État du 17° au 19° s, mais sont destinés à des professions limitées, toutes liées à l’État : marins, militaires, fonctionnaires, mineurs, cheminots.
Au 19° s, la mutation de la société (industrialisation, paysans quittant la campagne pour la ville et un travail ouvrier) voit l’émergence d’une classe ouvrière dense et indispensable, déjà revendicatrice, poussant les entreprises à instaurer des régimes privés de retraite où paternalisme et mutualisme règnent.
Face à la gronde ouvrière et la pauvreté paysanne, les pouvoirs publics interviennent. C’est l’avènement de Loi de 1910, première grande loi sur les retraites instaurant des rentes ouvrières et paysannes obligatoires. Le principe repose sur la capitalisation (salariat et patronat cotisent sur un compte viager) et s’adresse aux plus faibles revenus ayant atteint 65 ans. Bien que n’ayant pas réellement porté ses fruits, cette loi a jeté les bases de toute une législation grandissante, jusqu’à aujourd’hui.
En 1928 sont créées les assurances sociales obligatoires pour l’industrie et le commerce, s’inspirant de ce qui se fait en Allemagne : le régime Bismarckien, premier véritable système de retraite obligatoire (1883).
Mais très vite l’inflation continue puis la guerre viennent mettre à mal le système. Sous Vichy (1941) est créée une allocation aux vieux travailleurs salariés, abandonnant la capitalisation pour le principe de répartition selon lequel les cotisations des actifs servent à payer les pensions des retraités, dessinant les bases du système de retraite tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Une invention récente
À la Libération, l’Ordonnance de 1945, pilier de tout le système de protection français, crée la Sécurité Sociale et y intègre l’organisation des retraites. Ce nouveau régime est fondé sur la répartition et a cet objectif inédit de se vouloir applicable à l’ensemble de la population.
Tout un réseau de caisses remplace les multiples organismes existants, l’objectif étant d’instaurer un régime général, ce qui suppose une unification des systèmes de retraites. En effet, les régimes spéciaux primaires (fonctionnaires, cheminots, etc., et leur fort pouvoir syndical) n’ont jamais cessé d’exister et de croître depuis les origines, de sorte que c’est une véritable mosaïque de régimes de retraites qui règne en France.
Dès lors, des années 1945 à 1975, en même temps que le système de retraite s’étoffe, il poursuit infailliblement deux buts : la généralisation, certes, mais aussi l’harmonisation, mère de résistances profondes de la part des régimes spéciaux et de revendications fortes des salariés du régime général. Néanmoins, au fil des décennies, l’harmonisation est en marche et s’accentue.
La volonté d’harmonisation se porte également sur le niveau de vie : réduire l’écart de pouvoir d’achat entre actifs et retraités. C’est ainsi qu’est créé en 1956 le Minimum Vieillesse, allouant à toute personne âgée n’ayant pas ou pas assez cotisé, un revenu minimum, originellement financé par la vignette automobile.
Face au chômage grandissant, en 1972 naît la pré-retraite, permettant aux licenciés de partir en retraite un peu avant la date d’ouverture de leurs droits. Et face à l’inflation et au faible montant des pensions, sont créées les retraites complémentaires, d’abord d’initiatives privées, elles deviennent progressivement obligatoires en même temps qu’elles se généralisent.
Une évolution continue
Depuis 1975, la crise économique et démographique ne cesse de mettre à mal le système de retraite. Le chômage, l’allongement des études et vieillissement de la population (augmentation de l’espérance de vie, ralentissement des naissances, arrivées à la retraite des enfants issus du « baby-boom ») accroît le nombre des retraités, poussant les pouvoirs publics a sans cesse tenté d’inverser un déséquilibre grandissant entre cotisations et pensions.
C’est ainsi que, de 1975 à nos jours, se sont succédé de nombreuses et importantes réformes, partant du constat que si l’on veut voir notre système de retraite perdurer, il faut faire évoluer ses dispositifs d’après-guerre qui ne sont plus adaptés.
C’est ainsi qu’une réforme de 1993 allonge la durée de cotisation requise, modifie le salaire moyen de référence, adapte l’indice de revalorisation, etc. Celle de 2003 s’attaque à l’épineux sujet de la retraite des fonctionnaires. La réforme tend vers un alignement progressif de la durée de cotisation, la possibilité d’un rachat des années d’études, l’organisation de décotes et surcotes et l’introduction d’une capitalisation par les plans d’épargne retraite.
Toutes les réformes qui suivront confirmeront et accentueront les mêmes perspectives, celles régissant 20 ans de réformes aux axes devenus inévitables : allongement et alignement de la durée de cotisation, accentuation de la convergence des différents régimes, repoussement de l’âge d’ouverture des droits et mise à contribution de certains revenus, etc.
Et la crise économique de 2008-2010 n’a fait qu’intensifier les enjeux.